Lagarde : La mayonnaise a pris
Ouvreur du SU Agen, né à Pessac et ancien de l'UBB (2007-2017), Raphaël Lagarde évoque la venue des Lot-et-Garonnais à Chaban ce samedi (18h).
Photo : Eric Vincent / SUALG
A tout juste 31 ans (il les a fêtés le 30 octobre), l'ouvreur du SU Agen et ancien pensionnaire d'André-Moga, Raphaël Lagarde (1,82m, 92 kg), évoque la venue des siens à Chaban avec un plaisir non dissimulé. Le SUA, actuellement 10e du Top 14, est parvenu à prendre le point de bonus défensif à Castres (30-27) et à ramener un solide match du Racing 92 (27-27) malgré deux défaites à domicile contre Toulon et Bayonne.
Les vacances ont été appréciées du côté d'Agen ?
Ah oui, ça fait toujours du bien les vacances (rires) ! Le rythme n'est pas comme les autres années, il y a un peu plus de coupures mais les préparations ont été longues, les prépas d'été ont tiré sur le corps donc ça fait du bien de couper un peu plus que deux jours. Je pense que ça a fait du bien à tout le monde, pour revenir tranquille et reposé.
Comment as-tu trouvé votre début de saison ?
C'est un peu mitigé... Il y a du positif sur quelques performances où on voit qu'on n'est pas passé loin, notamment à l'extérieur, mais il y a deux points noirs qui sont les défaites à domicile : la première nous remet la tête à l'endroit car on ne s'attendait pas à ce que ça tape aussi fort d'entrée (contre Toulon, 25-44), on n'était pas vraiment prêt, je pense que ça nous a montré l'exigence qu'il fallait pour exister en Top 14. Ensuite c'est la défaite à la maison contre Bayonne (27-29), un prétendant qui vient de monter. Ce sont deux choses qui noircissent un peu le tableau alors qu'à côté toutes les équipes prennent des points... Donc c'est un peu mitigé, entre les bons matches et les quelques points ramenés à droite à gauche avec de bonnes performances et à côté les concurrents directs qui prennent plus de points que nous.
Il ne faut pas trop décrocher parce que sinon ça va se payer en fin de saison. Un point, c'est important en Top 14.
Il y a des regrets sur ces deux premiers blocs ?
Sur le coup ce sont de belles performances : on perd de 6 points à Pau, on va faire égalité au Racing, on prend un point à Castres... Comme je disais, le problème c'est que les autres ont pris plus de points que nous. Donc au lieu de se dire "C'est bien, on a pris un point là, deux là", on se dit "Il aurait fallu une victoire, là au lieu d'un point il aurait fallu un nul"... On s'est préparé pour et on fait des bonnes choses mais ça ne suffit pas, parce qu'à côté on voit que les autres avancent et il ne faut pas trop décrocher parce que sinon ça va se payer en fin de saison. Un point, c'est important en Top 14.
Tu étais à Agen il y a 4 ans, quel est ton sentiment sur ton retour ?
Ça fait plaisir, parce que c'est un endroit que je connais et que j'ai apprécié, avec quelques joueurs qui étaient déjà là et qui y sont encore, d'autres que j'ai connu ailleurs, à Albi. C'est cool de revenir ici avec un groupe sympa et un challenge qui est intéressant. Ce sont des saisons compliquées mais quand on joue un maintien ce sont des saisons assez fortes émotionnellement : chaque victoire compte. Quand on a une victoire, tout est un peu décuplé... C'est tellement dur d'accrocher des points dans ce championnat, que quand on a la chance d'en prendre, c'est... (rires). Ce sont des challenges différents mais c'est intéressant, avec un bon groupe, sympa et jeune. On fait vite partie des plus vieux !
Ça change quelque chose pour toi de faire partie des "anciens" ?
Oui, bien sûr ! C'est quelque chose que je n'avais pas trop connu jusqu'à présent. C'est rare les groupes aussi jeunes, là à 30 ans on fait partie des six plus vieux de l'équipe (rires) ! D'habitude il y a toujours un pilier qui traîne à 35 ou 36 ans, nous on n'en a pas ! C'est un rôle différent mais c'est cool de revenir comme ça à Agen, dans ce rôle là, avec de bons jeunes et un gros challenge.
C'est un club de cœur, un club où on a eu la chance de commencer pro, avec des entraîneurs et un président qui vous ont fait confiance. Donc voilà, vous êtes toujours accroché à ça.
En parlant de clubs que tu connais, l'UBB ne t'est pas étrangère...
Oui, j'ai suivi l’ascension ! J'ai toute ma famille vers Bordeaux, je suis de Captieux, mon père est à Langon... J'ai passé mes années jeunesses, études et rugby à Bordeaux, j'y ai commencé en pro... C'est un club que j'apprécie beaucoup, j'ai beaucoup de souvenirs et de copains. C'est un club que j'ai toujours regardé, j'ai vu à distance la montée en Top 14, les maintiens au fur et à mesure, et là maintenant c'est un club qui est installé en Top 14, dans un beau stade. Quand j'y étais, on commençait juste à jouer à Chaban (rires) ! Ça a vraiment évolué, ça n'a plus rien à voir en terme d'infrastructures, maintenant c'est du haut de tableau Top 14. C'est bien, c'est un endroit que j'aime et que j'apprécie, c'est toujours sympa de revenir jouer sur Bordeaux. C'est un club de cœur, un club où j'ai eu la chance de commencer pro, avec des entraîneurs et un président qui m'ont fait confiance. Donc voilà, vous êtes toujours accroché à ça.
Justement, que penses-tu du début de saison de l'UBB ?
C'est un carton plein pour le moment (rires) ! C'est une belle équipe, même s'il y a eu des moments difficiles les années précédentes. Ça confirme vraiment qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas et là on voit que la mayonnaise a pris. C'est difficile, les groupes changent tellement d'année en année, il y a toujours entre 10 et 12 changements, le temps que ça prenne, que le plan de jeu convienne à l'équipe... Voilà, là c'est solide, ça joue, c'est joli à regarder, ça marque beaucoup d'essais. Aujourd'hui c'est l'équipe la plus complète avec Lyon. Le LOU c'est un rouleau compresseur, c'est différent, ça renvoie une puissance assez forte avec des avants qui défoncent tout le monde, alors que Bordeaux ça joue beaucoup, c'est plaisant, j'aime ça. C'est plus porté sur l'attaque, on voit qu'ils se trouvent bien, les individualités se mettent vraiment en avant, et puis il y a le matos pour ! C'est cool que ça prenne, pour le moment c'est en haut donc il faut en profiter et y rester. On verra ce que ça donne après avec le retour des internationaux, ce sera un nouveau championnat. Mais c'est bien d'avoir pris les points quand il fallait les prendre, puis c'est plus facile de rester en haut une fois qu'on y est plutôt que d'aller gratter des points à droite à gauche pour y monter.
L'UBB et le SUA s'affronteront quatre fois cette saison, deux en championnat et deux en Challenge Cup. Vous portez une attention particulière à l'UBB ?
C'est toujours un peu délicat d'avoir un club français en coupe d'Europe, ça fait 4 matches contre cette équipe là... Ça dépend de comment Bordeaux va le jouer, de comment nous allons le jouer aussi. On n'a pas trop d'effectif pour la jouer plein pot, alors est-ce qu'on fera confiance aux mecs qui reviennent de blessure et aux jeunes ? Il faut qu'ils éclosent, ça fait partie de ces moments où il faut les laisser s'exprimer, leur donner carte blanche, pour pouvoir après les aligner en Top 14. Donc c'est toujours délicat ces matches, et puis jouer 4 fois la même équipe... C'est dur quoi (rires) ! Sur les préparations, pour trouver le plan de jeu qui va bien, essayer de contrer l'autre...
Quand on voit le niveau de Bordeaux aujourd'hui, si vous n'y êtes pas vous allez prendre une branlée.
Quel est l'ambition d'Agen à Chaban samedi ?
Je pense que c'est costaud, ce sont des matches à jouer à 300% ! Quand on voit le niveau de Bordeaux aujourd'hui, si vous n'y êtes pas vous allez prendre une branlée. Donc on fera comme tous les matches, il faut gratter des points, si on arrive à gratter un point c'est très bien. Après, on va s'accrocher. Sur les matches à l'extérieur ce qui est important c'est le contenu, ce n'est pas comme à la maison où il faut absolument des points. A l'extérieur si on a un contenu c'est plus facile à travailler par la suite que si vous prenez une branlée, il n'y a rien à ressortir. Vu les joueurs qu'ils ont, il faudra une très grosse défense comme chaque match à l'extérieur. Puis après on verra la météo, ce que ça donne. Mais la défense et la discipline, face à des équipes comme Bordeaux, c'est primordial, parce que s'ils marquent un essai sur chaque ballon en première main... Ça va être compliqué, on passera notre temps à leur courir derrière. J'espère qu'on arrivera à resserrer un petit peu tout ça pour essayer de rester dans les clous le plus possible, après on verra la physionomie du match.
Il y a des joueurs que tu surveilles en particulier à l'UBB ?
Il y en a un qui vient de prendre un rouge, il ne devrait pas jouer contre nous donc ça nous arrange plutôt (rires) ! Il y en plusieurs, franchement derrière il y a une belle ligne, devant c'est costaud, c'est intelligent, ils ont une belle touche. Aujourd'hui Bordeaux c'est vraiment complet. Tous les postes sont doublés voir triplés, c'est vraiment une belle équipe. C'est toujours sympa de jouer ces équipes-là, on prend du plaisir à jouer ça et ça montre le niveau qu'il faut avoir et la différence qu'il y a.
Comment abordez-vous le prochain bloc ?
C'est compliqué franchement. On a pris moins de points que les autres jusqu'à présent, là il faut en prendre. Là on a tous les gros, avec le retour de quelques internationaux, sur quelques matches on verra comment ça se passe, il va falloir s'accrocher. On ne peut pas trop calculer à l'avance en disant "là on va prendre ça, là on va prendre ça", on va les prendre un par un. C'est tellement compliqué et aléatoire les matches... Quand on voit les équipes qui vont gagner un peu à droite à gauche, ou qui prennent une branlée puis qui vont gagner à l'extérieur en suivant... Le niveau est tellement élevé en Top 14 maintenant que les matches à domicile sont compliqués à gagner pour tout le monde. Toutes les équipes essaient de jouer partout, donc on verra. On prend les matches les uns après les autres mais c'est un bloc assez compliqué qui nous attend.
C'est bien de marquer des points, c'est positif, il faut le garder : ça prouve qu'on essaie de jouer, qu'on se fait des passes et surtout qu'on est assez efficients sur ça.
Le retour des mondialistes, ça changera quelque chose pour vous ?
On récupère un talonneur (Paul Ngauamo), après nous on n'a pas beaucoup d'internationaux, c'est pour ça qu'il fallait essayer d'engranger quelques points pendant cette période de Coupe du monde. Là, les équipes vont se métamorphoser : quand on voit qu'on va faire égalité au Racing (27-27), c'est une perf ! Quand ils vont récupérer 11 internationaux dont 9 titulaires, ça n'aura rien à voir ! Le niveau va doubler, sur l'intensité, la vitesse, les contacts, ça va changer énormément. Il y aura deux championnats, donc on verra comment les équipes vont réagir : est-ce que ça va s'accrocher ou est-ce que ça va exploser ? D'autres équipes auront besoin de points et enverront leur grosse équipe un peu partout, donc à mon avis ça va niveler tout ça. Et puis quelques gros en bas du classement vont remonter, il y aura peut-être encore des surprises. On ne peut pas le savoir à l'avance mais je pense qu'il y a quelques équipes qui vont respirer un petit peu avec la rentrée de quelques joueurs.
Aujourd'hui vous êtes 10es, c'est un peu paradoxal quand vous êtes la 3e équipe qui marque le plus d'essais (22)...
Oui, mais bon... C'est ce que je disais : il y a des points que l'on n'a pas pris. Il y a des matches que l'on a perdu avec des gros scores. On marque des points mais on en prend aussi, c'est le problème. C'est bien de marquer des points, c'est positif, il faut le garder : ça prouve qu'on essaie de jouer, qu'on se fait des passes et surtout qu'on est assez efficients sur ça. C'est bien de marquer 20 points mais si on prend 30 ça ne sert à rien ! Ça fait partie des choses qu'il faut avoir, la défense vient de l'état d'esprit. Et aujourd'hui la défense et la discipline sont un socle, surtout sur les matches à l'extérieur : quand on arrive à avoir une bonne défense et à ne pas prendre de points ça permet de rester collé au score. Ce sont des ingrédients, sur des matches à l'extérieur, qui sont indispensables si on veut ramener des points. Si vous n'avez pas la discipline et la défense vous n'existez pas, surtout une équipe comme nous, Agen, vous n'avez pas trop de quoi faire la différence à côté...
Merci Raphaël et bon match samedi...