LETTRE DE DIMITRI YACHVILI A SON FRERE GREGOIRE

Grégoire,

 

Mes plus anciens souvenirs de toi sont sur un terrain de rugby, tu devais avoir huit ou neuf ans, et moi avec papa sur le bord du terrain, nous te regardions. Tu étais très facile à reconnaître, tu étais déjà plus grand que tout le monde, et de te voir, cela me donnait aussi très envie de jouer au rugby. C'est papa qui a joué le premier dans la famille, mais c'est de te voir jouer toi qui m'a vraiment inoculé le virus. Tu étais déjà mon modèle, et rassures-toi, tu es toujours mon modèle. Quand j'ai la chance de regarder à la télévision des matches de l'UNION, j'apprends encore en te regardant, tu as un gros mental, l'intelligence du jeu, le respect de l'adversaire, de tes partenaires et du public, l'amour du maillot. Rappelle-toi il n'y a pas si longtemps, quand on se faisait le cinéma d'être des grands joueurs de rugby des grandes équipes de l'époque, avec les Blanco, Berbizier, l'épopée de 87, etc., on s'y voyait déjà. Il y a eu quelques parties mouvementées dans le jardin mais aussi dans le salon pour le plus grand "bonheur" de nos parents. Que de très bons souvenirs.

Tu as toujours été mon complice, jamais mon adversaire, tu étais et tu es toujours celui auprès de qui je peux me confier, à qui je peux parler. J'ai une admiration très respectueuse pour toi et tu me le rends bien, on se téléphone très souvent pour les joies, les peines ou pour rien.

 

Notre première séparation a été ton intégration en sport-études à Nice. J'étais à la fois très heureux et fier pour toi, et intérieurement déchiré à l'idée de ne plus t'avoir avec moi, ça a été très bizarre pendant longtemps, je ne vivais plus de la même façon, il me manquait quelque chose, quelqu'un. J'étais trop jeune pour venir te voir, mais quand moi, je suis parti à Gloucester, c'est toi qui es venu me voir, c'était toujours un moment de bonheur intense, tout comme aujourd'hui quand tu viens avec Stéphanie et les enfants à Biarritz, rien n'a changé.

Bien qu'en jouant chacun de son côté tous les week-ends et avec les entraînements la semaine, on ne peut pas se voir aussi souvent qu'on le voudrait. Mais quand j'arrêterai ma carrière, on rattrapera le temps perdu. Un temps perdu qu'on ne rattrapera pas c'est le regret énorme que j'ai de n'avoir jamais fait de matches sérieux avec toi dans la même équipe, une seule fois en espoir je crois. Et encore c'était un match de gala.

 

Mais le plus grand moment d'émotion que tu nous as fait vivre, c'est ta sélection en équipe de Géorgie. Ca a été une grande fierté, et comme tu ressembles beaucoup à notre grand-père, l'émotion familiale a été des plus fortes. Et puis cette coupe du monde 2003 en Australie où nos parents sont venus nous rejoindre, là aussi, ce sont des moments que je n'oublierai jamais.

 

Grégoire, tu arrêtes le rugby de haut niveau pour lequel tu as beaucoup donné, je sais que c'est difficile pour toi, mais tu vas faire encore quelques parties pour le plaisir de toucher le cuir, profites en un maximum.

 

Tu n'as pas été un modèle de grand frère, mais un grand frère modèle. J'attends avec impatience le prochain apéro que nous prendrons ensemble à Biarritz….. entre frères, entre hommes.

 

Dimitri