INTERVIEW DU PRESIDENT LAURENT MARTI


Laurent, merci de nous consacrer de ton temps en cette période très chargée où il faut terminer une saison, en préparer une autre, et faire un certain nombre de choix humains pas toujours faciles à prendre.


Revenons sur cette saison 2008-2009, d'une manière générale, es-tu satisfait du recrutement effectué en début de saison ?

Oui, le recrutement est plutôt satisfaisant, l'objectif recherché était d'amener plus d'expériences et de qualités à l'équipe, c'est une réussite. Contrairement à l'année dernière, nous n'avons jamais été en position de relégable, et plutôt dans le milieu de tableau que vers le bas, on a même été leader. Aujourd'hui on est neuvième, l'objectif est la huitième place, nous sommes satisfaits du recrutement qui nous a aidé à atteindre notre objectif.

 


Maintenant parlons de la compétition :

Premier bloc ; trois victoires dont deux à l'extérieur et notamment à Agen, une défaite d'un point à domicile contre la Rochelle à la dernière minute, et retour d'Aurillac avec une musette bien pleine, n'était-ce pas à la fois trop beau, et à la fois annonciateurs de l'inconstance d'une équipe bien jeune et bien fragile ? 

Oui complètement. Moi ce que je retiens de ce bloc de cinq matches, d'abord les deux premières victoires contre Bourg-en-Bresse et Béziers, avec un peu de recul on voit qu'il s'agissait des deux équipes les plus faibles de la poule. À Aurillac, il y a qu'on prend le parti de faire tourner complètement l'effectif, peut-être un peu trop. Et puis cette défaite contre la Rochelle nous est restée à tous en travers de la gorge parce qu'on perd le match à la dernière seconde alors qu'on le domine, et cette victoire à Agen, c'est fabuleux et elle montre que cette équipe est capable de s'imposer contre les plus gros, mais aussi de perdre des matches d'une manière surprenante.

 

Deuxième bloc ; une seule victoire à la maison contre Albi, trois défaites à l'extérieur et une défaite à la maison contre Pau, la grosse claque, la déception. Le doute t'a-t-il gagné ? Que vous êtes-vous dit avec les coaches ? 

En fait dans le deuxième bloc, on comprend que ça va être compliqué, c'est la défaite contre Pau qui nous met complètement dans le doute et nous brise un peu dans notre élan.

 

Troisième bloc de quatre matches ; deux victoires à la maison Oyonnax et Colomiers, une défaite au Métro encourageante par la manière, et puis la claque à la maison face à Lyon. En tant que Président, il te fallait réagir, qu'as-tu dit aux entraîneurs et aux joueurs à ce moment là ? As-tu eu des moments de solitude où tu mettais en doute tes choix et tes convictions ? 

Disons que le match de Lyon, c'est le match de Pau à la puissance 10. À ce moment-là on fait un match impossible, avec un scénario catastrophe, tout se retourne contre nous. Ça tombe au plus mauvais moment parce que c'est juste avant les fêtes de fin d'année et là on comprend que tout espoir de qualification s'envole. Et surtout on se dit que quelque chose ne va pas. Mais on ne sait pas quoi, et chacun de son côté on se met à se poser beaucoup de questions. Tout le monde part en vacances, et le grand tournant c'est début janvier lorsque qu'il y a la présentation des vœux, on remet tout à plat avec les coaches, les joies, les peines, on se dit quelques vérités, on se lance quelques défis. C'est à ce moment-là aussi où moi j'annonce qu'il n'est pas question que j'abandonne, que je resterai au club tant qu'on ne sera pas arrivé à notre objectif. Et peut-être que ça a provoqué un déclic chez les joueurs qui pouvaient s'être mis à douter de notre avenir parce que cette défaite contre Lyon arrivait le lendemain du grand débat organisé par Sud-Ouest avec les politiques sur l'avenir du rugby à Bordeaux, et malheureusement ce jour-là on n'a pas appris que des bonnes nouvelles. J'ai toujours pensé que ça avait peut-être aussi atteint les joueurs dans leur moral et que c'était une des raisons de la déroute contre Lyon. Je me suis dit à ce moment-là que les joueurs ont peut-être douté de notre capacité à mener au bout notre projet ambitieux. Moi-même après une longue réflexion pendant la pause, j'ai décidé dire aux joueurs que je n'étais pas content du tout, et ensuite que ceux qui doutaient pourraient partir, mais que ceux qui croyaient en notre projet pourraient rester et que en ce qui me concerne, je m'accrocherai tout le temps qu'il faudrait pour arriver à notre objectif et remonter en TOP 14.

 

Quatrième et cinquième bloc ; défaite plus qu'honorable à Grenoble 13-12, et puis trois victoires, dont la belle revanche contre la Rochelle chez eux. Un loupé à Béziers après 40 heures de confinement à l'hôtel, et puis à nouveau trois victoires dont deux face à des prétendants à la montée, Agen à la maison, et à nouveau belle revanche face à Pau chez eux. Mais grosse tache qui vient ternir le tableau : Tarbes vient nous battre à domicile. Quatrième et cinquième bloc équivalent d'une confirmation, confirmation qu'un groupe est en marche, ou confirmation que rien n'est gagné ?

C'est la confirmation qu'un groupe est en marche parce que dans ces blocs on réalise des choses absolument fantastiques, nous avons été les premiers à aller gagner à la Rochelle et à Pau, et puis ce match contre Agen, ce n'était pas un match de PRO D2, c'était un match de TOP 14, donc ce jour-là on comprend que dans ce groupe il y a vraiment beaucoup de qualités, et que c'est la base de travail pour des lendemains qui chantent.

 


Deuxième partie de l'entretien, aujourd'hui et la fin du championnat :

L'objectif annoncé cette année était la huitième place, nous sommes à six matches de la fin de la saison, neuvième à deux points du huitième Tarbes. Accéder au Play Off n'est plus envisageable, quels sont les objectifs que tu as donnés aux entraîneurs et aux joueurs ?

Les objectifs sont fixés depuis le début de la saison, c'est la huitième place, donc j'espère que nous pourrons passer devant Tarbes d'ici la fin de la saison. Mais quand on est en milieu de tableau à six matches de la fin, on comprend que c'est toujours compliqué à gérer pour les entraîneurs et les joueurs. Mais il est important de bien finir la saison pour le club, pour les joueurs qui seront encore avec nous et qui doivent continuer leur apprentissage du haut niveau, et puis pour ceux aussi qui malheureusement ne seront plus avec nous l'année prochaine et qui ont besoin de jouer dans une équipe qui gagne et de se montrer de manière à pouvoir rebondir plus facilement.

 

Nous sommes dans le haut du ventre mou du classement, il n'y a qu'un objectif d'honneur ô combien important pour la saison prochaine à réaliser, la huitième, voir septième place. Mais les discussions avec les joueurs sur le renouvellement de leur contrat ou une éventuelle séparation ont certainement commencé. Comment vis-tu et gères-tu cette période particulièrement délicate sur le plan humain et sur le plan des résultats sportifs ?

Les discussions ont en effet commencé doucement, et elles s'accéléreront dans les semaines qui viennent. Je crois que pour tous les Présidents c'est la période la plus délicate, celle que l'on n'a pas trop envie de vivre. Mais ça fait partie du rôle des Présidents et je la gère comme je peux. J'essaye d'oublier le côté trop affectif de la chose, mais c'est très pénible.

 

Il y a deux semaines, coup de tonnerre à l'Union, onde de choc, l'annonce du départ de Patrick Laporte. Sachant que c'est lui qui t'a amené à prendre la présidence de l'Union, comment as-tu reçu son souhait d'arrêter d'entraîner l'Union, et question complémentaire, comment as-tu trouvé son remplaçant Vincent Etcheto, quels sont les critères qui ont fait que c'est lui que tu as choisi ?

Le départ de Patrick est pour moi une rupture affective forte parce que c'est le premier qui m'a donné l'idée de reprendre le projet bordelais. C'est quelqu'un avec qui je suis copain depuis très longtemps. En qui j'ai entière confiance et je trouve qu'il a toujours eu de très bons résultats avec les groupes qu'il a entraînés, mais en même temps je comprends sa décision parce que ça fait longtemps qu'il entraîne. C'est quelqu'un de très pudique qui a mal vécu la période de novembre décembre, les résultats ont été compliqués. Et peut-être qu'il s'est dit qu'il fallait faire un break, j'ai compris sa décision.
Pour moi il est important de repartir avec quelqu'un en qui j'aurai entièrement confiance, quelqu'un envers qui je sentais qu'une relation affective pourrait se mettre en place, sans ça je ne pourrai pas fonctionner. Vincent Etcheto mourait d'envie de revenir à Bordeaux, c'est un entraîneur qui n'a pas encore entraîné au plus haut niveau mais qui a une passion et une idée sur le jeu qui me plaisent et qui m'ont convaincu. C'est un affectif, un passionné, un ambitieux qui a envie de réussir et qui est très amoureux du club. Tout cela a fait que ….

 


Troisième et dernière partie de l'entretien, la saison prochaine :

Le monde est en crise, nos sponsors ne sont certainement pas épargnés, comment vois-tu la saison prochaine ?
Côté des recettes, penses-tu que nous ayons plus de petits sponsors, de gros sponsors, augmentation du prix des places, des abonnements, etc. ?
Côté dépenses, pas de recrutement de vedette, mais de jeunes à fort potentiel, avoir plus souvent recours aux Espoirs, maîtrise et contrôle des salaires, maîtrise des coûts des déplacements, etc. ?

C'est un secret de polichinelle, je souffre personnellement pour boucler le budget à Bordeaux. C'est paradoxal mais c'est une réalité. On met tout en œuvre pour changer cela. L'ouverture du capital est la décision principale pour faire en sorte que tous les girondins se sentent un peu plus concernés par notre projet et s'approprient le club. L'augmentation de capital marche très bien, ça me donne de la confiance pour l'avenir. Notre budget sera en baisse l'année prochaine et il y aura moins de joueurs. En effet après avoir recruté cette année quelques joueurs confirmés, nous irons chercher des joueurs peut-être moins connus mais à fort potentiel, parce que nous sommes persuadés que l'équipe sera encore meilleure l'année prochaine, pour cela nous avons travaillé très très dur, visionné beaucoup de matches, fait jouer nos réseaux de manière à trouver des joueurs qui entrent dans notre budget mais qui en même temps sont des joueurs de très grande qualité. Bien évidemment l'Union fera signer cette année entre huit et dix contrats espoirs parce que nous avons une génération exceptionnelle de joueurs qui ont entre 18 et 19 ans et tous nous ont donné leur accord pour jouer avec nous. En même temps nous préparons l'avenir à plus ou moins moyen terme.
Le budget sera à la baisse, les dépenses seront donc aussi à la baisse ; le prix des places n'augmentera pas, quant aux sponsors, nous y travaillons et notamment sur des sponsors nationaux. Je n'ai pas plus de visibilité que l'année dernière à la même époque.


Peux-tu nous donner quelques noms déjà ?

Oui bien sûr, ceux qui ont prolongé, Charly TERNISIEN, Raphaël LAGARDE, Adam JAULHAC, et Julien GAULTIER, c'est tout à ce jour.

 

Quand tu as pris les rênes de l'Union, tu annonçais t'engager pour trois ans, tu vas attaquer la troisième et dernière année, avec l'expérience acquise aujourd'hui, que regrettes-tu d'avoir fait, que regrettes-tu de ne pas avoir fait ?

Au bout de deux années on s'est rendu compte qu'on a peut-être laissé passer deux trois opportunités de recrutement de joueurs pas très connus mais qui ont éclaté depuis, mais pas chez nous. Ça c'est un petit regret qu'à un moment on ait eu la possibilité de les avoir, et qu'on ne l'ait pas prise. C'est difficile pour moi, mais quand je me pose la question de savoir si je regrette d'avoir pris l'Union, la réponse est clairement non, c'est clair dans ma tête, je suis content de m'être lancé dans ce projet.
Ma grande déception est financière parce que je n'imaginais pas que nous aurions autant de mal à mobiliser les soutiens financiers.
Ma grande satisfaction est que ce rugby qui par le professionnalisme a peut-être changé, mais qui globalement a gardé ses valeurs et c'est ce que je suis venu chercher, cette aventure humaine, et toute cette adrénaline que le rugby continue à nous faire sécréter, ce que pour moi je ne trouve pas dans le monde professionnel.

 

Tu annonçais à ton arrivée un objectif la montée en TOP14 en 3 ans, objectif un peu ambitieux en 3 ans, mais pourquoi pas en 4 ans, alors en conclusion, prêt pour continuer en 2011 ?

Je ne veux pas quitter le club tant qu'on ne sera pas en TOP 14, et je crois qu'à ce moment là il ne sera pas question que je le quitte.

 

Merci Laurent, et                                         ALLEZ L'UNION.

 

Jacques Piron
 

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